Porneia delights

— Vendredi est un roman de Robert A. Heinlein publié en 1982. Il fût traduit par Léone Maillet et publié aux éditions J'ai lu en 1985. Il ferait suite d'une certaine manière à une nouvelle écrite aussi par Heinlein en 1943, Gulf. Ne l'ayant pas lu, je ne peux pas en dire plus.

Synopsis

Vendredi est une jeune femme travaillant comme coursière pour le compte d'un "Patron" assez mystérieux au sein d'une société qui l'est tout autant. Ses missions sont assez simples : acheminé des messages et des colis secrets tout autour du monde, rapidement et surtout sans se faire prendre. Elle se trouve grandement avantagée par sa condition qui fait d'elle le meilleur agent qui soit : « ma mère était une éprouvette et mon père un bistouri&nbps;»; Vendredi est un être articificiel (EA). Dans un monde changeant et dangereux, où les EA sont très mal considérés, elle devra faire preuve de tout son art et de toutes ses améliorations génétiques pour protéger les secrets qu'elle doit garder.

Avis et remarques (SPOILER)

Vendredi est un roman intéressant dans lequel Heinlein continue de développer des points qu'il a abordé dans nombres de ses précédents ouvrages. Le fond d'espionnage est un bon moyen pour suivre notre héroïne dans ses péripéties autour du globe ; Heilein y traitant différentes problématiques comme à son habitude.

Tout d'abord les questionnements d'une jeune femme qui ne peut se dévoiler sous sa vraie nature, à savoir un être évolué, plus performant et plus intelligent que le commun des mortels. Vendredi souffre de sa nature et essaye par tous les moyens de ressembler aux être humains "normaux", dans le but secret peut-être de se faire accepter totalement.

Nous suivons aussi Vendredi dans ses questionnements amoureux, notamment autour de ce qui semble être une ambiguïté sexuelle, thème qui a l'air cher à notre bon vieil Heinlein. Cela lui permet, comme dans certains passages du cycle Histoire du Futur, de nous montrer d'autres formes d'organisations familliales et de couples ainsi qu'une certaine liberté sexuelle, probablement importer de Luna City.

Le contexte socio-politico-économique est aussi très prégnant. Nous y retrouvons de véritables sociétés tentaculaires qui deviennent de vrais états avec un poid considérable sur la scène internationnale ; achat d'armes, menant des guerres, supportant des guerillas. Cela m'a beaucoup fait penser dès le départ à Coca-cola, qui est d'ailleurs carrément citer au deux tiers du livre, qui payent et montent des milices locales en Afrique ou en Asie par exemple pour sauvegarder ses convois de précieuses bouteilles ; ou bien, dans des choses qui font plus l'actualité, quand des décisions du conseil d'administration de Google fait trembler les bureaux jusque dans nos institutions.

Tout ce petit monde donc se tape dessus, nous ramenant presque sous la Terreur ; période de laquelle Heinlein a sûrement puisé quelques idées — en tout cas, cela ne m'étonnerai guère (il y a d'ailleurs une référence à Guillotin dans le premier tiers si mes souvenirs sont bons).

Il y a un vraie évolution dans cet ouvrage où l'on sent que l'auteur, observateur de son temps, s'interroge sur les modifications que vont apporter ces nouvelles luttes de pouvoir, cette sorte de retour à un obscurantisme aveugle et comment cela va chambouler les désirs de liberté. Mais pas seulement car il nous décrit aussi par exemple comment, grâce à un "réseau" Vendredi se connecte à toutes les ressources de toutes les bibliothèques et autres universités et cela depuis un simple terminal dans sa chambre.

C'est un livre vraiment intéressant et sympas à lire. Comme vous l'aurez compris il ne faut pas chercher ici un simple livre d'espionnage et d'aventure (bon, c'est vrai, c'est Heinlein, on s'en serait douter). Même si c'est cette trame de fond qui permet d'avancer, Heinlein prend tout de même tout son temps pour nous emmener dans de petites histoires dans l'histoire.


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